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ANCIENS MÉMOIRES

dire de la part de son maître le duc de Lancastre, le gouverneur vint aux créneaux des murailles. Il luy montra de loin les dépêches du Duc ; les portes luy furent aussitôt ouvertes ; beaucoup d’officiers se rangèrent autour de luy, dans un grand empressement d’apprendre ce qu’il y avoit de nouveau. Cet Anglois les regardant[1] tous les uns après les autres, dit qu’il ne voyïoit point là celuy qu’il cherchoit, et que c’étoit à Bertrand auquel il avoit ordre de parler. On le fit entrer plus avant dans la ville, et comme on le luy montra de loin qui se promenoit sur la place ; ce héraut étudiant sa taille et son visage, dit indiscrettement à ceux qui l’environnoient, que cet homme avoit plus l’air d’un brigand que d’un gentilhomme. On l’avertit qu’il se donnât bien de garde de s’émanciper de la sorte

  1. Mais le Hérault, qui regardoit de toutes pars dist que il në veoit pas celui, pouiquoy il estoit là venuz. Et lui demanda le capitaine, qu’il demandoit. Et il dist, que c’estoit Bertran Du Guesclin à la chiere hardie, qui leurs gens avoit ainsi esveillié au matin. Lors le capitaine venant contreval la chaussiée, lui dist que c’estoit celui au jaques noir. Et six escuyers avoit en sa compaignie. Et quant il les vit, il dist que ce sembloyeut bien brigants, qui marchans espiassent. Et lors ledit capitaine pria au herault qu’il ne deist à Bertran, fors que courtoisie. Et se il lui avoit dit aucune villenie, il lui auroit tost donné de sa hache parmy la teste. Et il dist, que Dieu et la vierge Marie l’en voulzissent garder. Adonc le capitaine vint à Bertran, et lui dist qu’il parlast à ce herault. El Bertran lui demanda, qu’il vouloit sermonner. Lors s’enclina le lierault devant lui. Et Bertran le fist relever, et le salua : et demanda, quelles nouvelles il vouloit raconter. Et le herault respondi, que le duc de Lenclastre lui prioit, que à lui venist, et ses gens aussi : et bon sauf-conduit lui apportoit, de venir et retourner, sauf allant, et sauf venant, s’il y voulzist aler. Car pas ne le devoit refuser. El Bertran lui repondi qu’il estoit prés de l’aler. Adonc prist le sauf-conduit, et le bailla à lire. Car riens ne savoit de lettres, ne oncques n’avoit trouvé maistre, de qui il se laissast doctriner : mais les vouloit tousjours ferir et fraper. (Ménard, p..33.)