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SUR DU GUESCLIN.

pour toutes les remontrances que luy fit cette dame, qui, voyant qu’il n’y avoit rien à gagner sur son esprit, luy demanda par grâce qu’il voulût bien ôter son casque, afin qu’elle le pût embrasser, peut être pour la dernière fois ; mais Guesclin ne voulant point répondre à tous ces mouvemens de tendresse, qu’il croyoit être hors de saison, luy dit : « Ma tante, vous ferez mieux de retourner à la maison baiser vôtre mary[1] que de m’empêcher de courir où la gloire et mon honneur m’appellent. Défaites vous de toutes ces terreurs puériles ; songez seulement à faire preparer le dîner, et comptez que je seray de retour avant qu’il soit prêt. »

Après qu’il se fut tiré de cette importunité, qu’il regardoit comme un grand contretemps, il partit avec une résolution qui étonna tous les bourgeois de Rennes, qui coururent sur les remparts pour admirer la fierté de sa marche et de sa contenance. Il ne fut pas plutôt arrivé près du camp des Anglois, que le duc de Lancastre fit publier une défense par toute son armée d’approcher de plus de vingt lances aucun des deux écuyers, sur peine de la vie, ny de se présenter pour aller au secours de celuy qui seroit terrassé pour le relever. Le champ fut donc ouvert, afin que ces deux généreux combattans pussent entrer en lice en présence du Duc et de toute son armée, qui mouroit d’envie de les voir aux mains. Bertrand faisoit une si belle contenance qu’elle fut un augure certain de l’avantage qu’il alloit remporter. Il ouvrit le combat

  1. Alez vous en à l’ostel baisier vostre mary, et ne me syeyez plus : et à Dieu vous comment. (Ménard, p. 40.)