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SUR LES MÉMOIRES DE DU GUESCLIN

entreprit de célébrer la gloire de son illustre compatriote. « Je n’ai pu voir, dit-il dans son introduction, chanceler ces vieux monumens qu’on avoit élevés à une vertu si rare, sans prester la main, non-seulement pour les soutenir, mais encore pour lui en élever un nouveau. » Mais en compulsant les vieilles chroniques, qui n’ont été d’abord que des romans en vers, dont les auteurs ont trop souvent usé du privilège que s’attribuent les poètes et les romanciers, il a pris indistinctement le faux et le vrai, et croyant rendre ses récits plus intéressans en y mêlant du merveilleux, il a répété sans scrupule les contes populaires les plus absurdes ; néanmoins la lecture en seroit supportable, intéressante même sous quelques rapports, s’il ne les eût présentés que comme des traditions fabuleuses qui peuvent contribuer à faire connoître l’esprit du siècle où elles ont pris naissance ; mais non content de les placer sur la même ligne que les faits historiques les mieux constatés, il se met en frais d’érudition pour leur donner un air de vérité ou de vraisemblance. Ce qui paroîtra le plus extraordinaire, c’est qu’il lui arrive quelquefois d’aller chercher ses preuves dans les fables de l’antiquité. Prenons pour exemple le début de son histoire. « La naissance de Du Guesclin, dit-il, avoit esté promise par les devins, comme anciennement les oracles avoient promis celle d’Achilles ; et Merlin, si renommé par ses enchantemens, et que toute l’Angleterre croit avec superstition avoir esté fils d’une religieuse et d’un incube, avoit prédit la valeur et les grands progrez de ce capitaine plusieurs siècles auparavant, en disant qu’un aigle de la Petite Bretagne prendroit son