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ANCIENS MÉMOIRES

semble un corps de troupes fort considérable. Le grand maître des arbalêtriers demanda quelle route il falloit prendre pour aller à la rencontre des Anglois et des Navarrois. Le comte de Beaumont dit qu’il étoit d’avis qu’on envoyât auparavant des coureurs pour les reconnoître. Bertrand fît marcher droit au pont de l’Arche, et dépêcha quelques cavaliers du côté de Cocherel et de la Croix Saint Leufroy, pour observer la contenance des ennemis, et pour aller par tout à la découverte. C’étoit un agréable spectacle de voir la belle ordonnance de l’armée françoise, dont les bataillons et les escadrons étant tous de fer, jettoient une grande lueur par toute la campagne : parce que le soleil dardant sur leurs casques, excitoit une réverbération qui répandoit partout un fort grand éclat. Les drapeaux et les enseignes que le vent agitoit exposoient les lys aux yeux des spectateurs, et les faisoient souvenir qu’ils en devoient soûtenir la gloire au dépens de leur sang et de leur vie.

Toute la belle jeunesse de Roüen voulut être de la partie, sans se laisser attendrir des larmes de leurs mères et de leurs sœurs, qui tâchoient de les détourner d’un si genereux dessein, dans la crainte qu’elles avoient de ne les jamais plus revoir. Rien ne les put ébranler là dessus. Toute l’armée se mit en marche aussitôt et s’alla reposer la première nuit au pont de l’Arche, où les soldats trouverent des artisans, qui leur avoient apporté de Paris des haches, des dagues, et des épées qui furent achetées comptant, pour en fournir à ceux qui pouvoient en manquer. Ils se disoient les uns aux autres qu’ils n’avoient qu’à se bien tenir, que Bertrand ne demeureroit pas longtemps