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ANCIENS MÉMOIRES

joüeroit bientôt des coûteaux, ce qui fît prendre à plusieurs le pari y de se mettre en bon état, et d’aller faire leur bon jour, pour s’exposer ensuite avec plus de courage à tous les evenemens du combat. Les Cordeliers furent remplis de penitens que la presence du peril rendit plus contrits sur les desordres de leur vie passée. Quand ils eurent ainsi déchargé leur conscience du poids de leurs crimes, ils se mirent en campagne avec plus d’assurance, et vinrent rabattre à la Croix Saint Leufroy, faisans alte à l’abbaye pour s’y raffraichir, eux et leurs chevaux, tandis que leurs valets iroient au fourrage, et quand ils pouvoient trouver dans les maisons des haches ou des coignées propres à couper du bois, il s’en saisissoient aussitôt, prétendans qu’avec ces gros instrumens, ils feroient bien plus d’exécution dans une mêlée qu’avec des épées, et c’est ce qui leur fit aussi dans la suite gagner la bataille de Cocherel contre les Anglois, qu’ils hacherent et charpenterent avec tant de rage et de furie, qu’ils faisoient voler têtes, bras et jambes sur le champ du combat.

Bertrand demeuroit toûjours avec ses troupes dans cette abbaye, dans une impatience extrême du retour de ses coureurs, qu’il avoit envoyé battre l’estrade par tout. Ils revinrent lui dire qu’ils n’avoient rencontré personne à la campagne, ny homme, ny femme, ny berger, ny laboureur, qui leur pût dire où pouvoit être à présent le captal de Bue et ses Anglois ; que tout ce qu’ils en avoient pû tirer de certain, c’étoit que ce general étoit sorty d’Evreux avec bien treize cens combattans, gens fort determinez et fort lestes ; mais qu’on ne sçavoit pas positivement quelle route il