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ANCIENS MÉMOIRES

tous ces sinistres evenemens ne dévoient rien presumer que de fatal pour eux.

Cependant le captal voulant toujours faire bonne mine, s’avisa, pour braver les François, de faire apporter sa table au milieu du pré toute chargée de viande et de vin, comme voulant se moquer de Bertrand, qui jeunoit depuis longtemps avec ses troupes. Les archers et les arbalêtriers commencèrent la journée par une grêle de flèches, qu’ils se tirèrent les uns aux autres, mais qui ne firent pas grand effet des deux cêtez. Il en fallut venir aux approches ; les gendarmes se mêlèrent et combattirent à grands coups de haches, de sabres et d’épées. L’action fut fort meurtrière de part et d’autre. Guesclin s’y faisoit distinguer par les Anglois, qui tomboient à ses pieds et qu’il couchoit par terre, par tout où il paroissoit. Ce foudre de guerre éclaircissoit les rangs des ennemis par le fracas qu’il y faisoit. Il fut fort bien secondé du vicomte de Beaumont, de messire Baudoin d’Ennequin et de Thibaut Du Pont, qui se signalerent beaucoup dans cette bataille.

Ce dernier frappoit[1] sur les Anglois avec tant

  1. Thibaut Du Pont tenoit à deux mains une épée, et frappoit sur les ennemis comme un forcené. Son épée se rompit. Mais un Breton, son serviteur, qui étoit auprès de lui, lui ayant donné une hache grande, pesante et dure, il en donna un si furieux coup à un chevalier anglois, qu’il lui coupa et abbatit la tête jus jus. Du Guesclin animoit ses gens par son exemple et par ses discours, en criant : Guesclin ! Il leur disoit : Or avant, mes amis, la journée est à nous : pour Dieu souviegne-vous que nous avons un nouveau Roi en france ; que aujourd’hui sa couronne soit honnorée par nous !

    De l’autre côté combattoient avec un pareil courage le bascon de Mareul, Joül, Saquainville, et sur tout le captal. Les Navarrois eurent d’abord quelque avantage, et tuerent plusieurs chevaliers