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SUR DU GUESCLIN.

on devoit, toutes choses cessantes, tourner toutes ses pensées du côté de ce secours, plutôt que de s’acharner à une bicoque dont la prise étant incertaine coûteroit beaucoup de gens aux François, dont on auroit assez de besoin pour d’autres expéditions. Mais Bertrand, qui ne vouloit jamais rien faire à demy, les fit revenir de cette opinion, leur representant que s’ils décampoient de devant cette tour, ils alloient beaucoup commettre la reputation de leurs armes, qu’ils avoient rendu redoutables jusqu’alors ; qu’il valloit donc bien mieux achever ce qu’ils avoient commencé, que de demeurer en si beau chemin.

L’ascendant qu’il avoit sur leurs esprits les fit tous condescendre à ce qu’il voulut ; on continua donc le siege. On livra deux assauts avec tant d’impétuosité, que le gouverneur se souvenant que Bertrand avoit juré que s’il prenoit ce fort, il le feroit pendre avec toute la garnison qu’il commandoit, prit le party de capituler pour sauver ses biens et sa vie. L’on vint dire à Guesclin que quelqu’un faisoit signe de la main comme desirant luy parler. Il poussa son cheval de ce côté-là pour prêter l’oreille à ce que le gouverneur vouloit dire. Celuy-cy luy fit offre de rendre le château s’il luy faisoit compter trente mille livres ; mais Bertrand, qui ne pretendoit jamais acheter ses conquêtes qu’à la pointe de son épée, luy remontra qu’il ne faisoit que traîner son lien par toutes ces chicanes ; qu’il ne desampareroit point de là qu’il n’eût emporté cette place, quand il y devroit rester tout l’hyver, et qu’il épuiseroit toute la Normandie de toutes les machines de guerre qu’elle possédoit, s’il on étoit besoin, pour réduire en poudre cette tour