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SUR DU GUESCLIN.

dedans. Il avoit dans sa garnison beaucoup de Normands, qui s’étans révoltez contre leur souverain legitime, avoient intérêt de defendre la place au peril de leur vie, de peur qu’étant pris les armes à la main contre le service du Roy, l’on ne les fit passer par celle des bourreaux.

Toutes ces raisons firent que si l’attaque du château fut fort vigoureuse, la defense ne le fut pas moins, et Bertrand perdant toute esperance de la pouvoir prendre de vive force, eut recours à la mine qu’il fit ouvrir sous les fossez et sous l’église, où il la poussa fort secrettement, de maniere que les assiegez ne s’en appercevoient aucunement, et l’on se promettoit de la faire bientôt joüer avec succés, quand elle fut découverte par une avanture assez naturelle. Quelques soldats de la garnison dînans ensemble, il y en eut un d’eux qui mit son pot et son verre sur une fenêtre qu’on avoit percée dans le mur du château ; ce verre vint à tomber tout d’un coup, et tout le vin qu’on avoit versé dedans fut répandu parterre, sans qu’ils sçûssent la cause de ce mouvement. Ils prêtèrent l’oreille en cet endroit et poserent leurs mains sur la pierre où le verre avoit reposé. Le tressaillement qu’ils sentirent, leur fit juger que c’étoit un effet du travail des mineurs qui s’étoient logez sous ce mur.

Hugues de Caurelay, qui n’étoit pas un mal-habile homme en matière de siège, n’en fut pas plûtôt averty, qu’il fit contreminer aussitôt, et l’ouvrage fut poussé, de part et d’autre, avec tant de diligence et d’assiduité, que les mineurs et contremineurs étoient déjà bien prés les uns des autres, quand on vint avertir Bertrand que s’il vouloit faire un coup hardy, l’on pourroit, à