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SUR DU GUESCLIN.

enseignes de la garnison qui flottoient en l’air au gré des vents. Bertrand, qui marchoit à la tête du secours, s’appercevant de toutes les démonstrations de joye que ceux d’Aüray donnoient aux approches des François, admira le zele et la fidélité qu’ils avoient pour leur prince, et dit qu’ils meritoient bien qu’on les tirât d’affaire.

Ce general se vint poster si prés des ennemis, qu’il n’y avoit entre ses troupes et les assiegeans qu’un pré et un ruisseau qui les separoient, si bien que de part et d’autre on n’attendoit plus que le moment auquel on en viendroit aux mains. Guesclin surprit des espions qui venoient observer la contenance de ses troupes. Il apprit d’eux que tout se disposoit au combat du côté du comte. Il reçut cette nouvelle avec beaucoup de joye, faisant publier par toute son armée qu’on eût à se tenir prêt, et qu’on joüeroit bientôt des couteaux. En effet, le comte brûloit d’une si grande envie de combattre, qu’il vouloit dés le soir même attaquer ce secours ; mais Olivier de Clisson modéra son ardeur, en luy representant qu’il falloit aller bride en main sans rien précipiter ; que si l’on ouvroit la bataille sur le déclin du jour, il étoit à craindre que la nuit venant à les surprendre, on ne se battroit qu’à l’aveugle, et tout se passeroit dans une étrange confusion ; que pour lors on ne pourroit pas profiter de tous les avantages que donne à la guerre l’experience des généraux et la valeur de leurs soldats ; qu’enfin, si l’on donnoit la bataille aux ennemis lors qu’ils sont encore tous las et recrus de la fatigue des chemins, on imputeroit plûtôt leur défaite à leur lassitude qu’au courage de leurs vainqueurs. Robert