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SUR DU GUESCLIN.

à l’égard de son souverain, sans s’émanciper aucunement, à cause de la proximité du sang qui le lioit avec luy.

Les seigneurs d’Espagne voulans profiter des entrées qu’il avoit auprés de son frère, le prierent un jour de vouloir un peu rompre la glace, en representant au Roy le tort qu’il se faisoit de vivre de la sorte, et qu’il étoit à craindre que ses sujets rebutez d’une si pitoyable conduite, ne secoüassent un jour le joug de son obeïssance, et ne se portassent à des extremitez dont il pouroit se repentir trop tard ; qu’il devoit donc faire cesser le grand scandale qu’il donnoit à toute la chrétienté, par le commerce tout visible qu’il entretenoit avec les juifs, qui sont les ennemis les plus déclarez de la veritable religion ; qu’il devoit aussi mieux vivre avec la reine Blanche de Bourbon, sa femme, qui descendoit du sang de saint Loüis, et dont les mœurs répondoient beaucoup à la noblesse de son extraction ; qu’appartenant comme elle faisoit, à tous les princes de l’Europe, il devoit apprehender qu’ils ne se ressentissent, à ses propres dépens, de tous les outrages qu’il luy faisoit. Enfin ces seigneurs conjurerent Henry de persuader au Roy de rompre avec sa concubine, et de s’en séparer pour jamais pour ôter ce pernicieux exemple d’incontinence qu’il donnoit à tous ses sujets.

Henry voulut bien se charger d’une si perilleuse commission pour la décharge de sa conscience et le soulagement des peuples, se préparant à toutes les disgrâces qu’un compliment semblable luy devoit attirer. Il choisit le temps qu’il crut le plus propre pour insinüer avec succés toutes les veritez qu’il avoit à dire