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SUR DU GUESCLIN.

d’avoir reçu cet ordre barbare de Pierre. Il attroupa beaucoup de gens de sa nation pour l’aider à faire le coup, et marchant toute nuit, il se rendit avec tout son monde à l’appartement de la Reine. Il pénétra jusqu’à sa chambre, et frappant à la porte à une heure si indeüe, une des filles de Sa Majesté refusa d’ouvrir, et s’étonnant de tout ce bruit, dit au travers de la serrure qu’il n’étoit pas heure pour parler à sa maîtresse, et demanda quel étoit le sujet d’une visite faite si tard, et si à contre temps. Le juif pour se faire ouvrir, s’avisa de répondre qu’il avoit une fort agreable nouvelle à donner à la Reine, puisque son mary, pour luy témoigner qu’il vouloit entierement se reconcilier avec elle, venoit à l’instant coucher avec Sa Majesté. La femme de chambre courut aussitôt avec joye pour faire part à sa maîtresse de cette avanture impreveüe, qui luy devoit beaucoup plaire, la felicitant par avance de ce que le Roy luy rendoit son cœur, et vouloit luy faire à l’avenir plus de justice qu’il n’avoit fait, puis qu’il avoit toujours envoyé devant les Juifs pour l’en assûrer, et qui demandoient qu’il leur fût permis d’entrer dans sa chambre pour luy faire un message, dont elle auroit une incroyable satisfaction.

La Reine qui voyoit le peril qui la menaçoit, se mit aussitôt à pleurer, connoissant qu’elle avoit encore peu d’heures à vivre, parce qu’elle prevoyoit bien que les juifs qui la haïssoient mortellement, ne se seroient pas rendus auprés de sa chambre en si grand nombre, et dans une heure si indeüe sans avoir contre elle quelque ordre sanglant, qu’ils étoient prêts d’exécuter. La fille de chambre entrant dans les