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SUR DU GUESCLIN.

tant qu’elles ne la devoient pas plaindre avec tant de deüil, puis qu’elle alloit mourir innocente, et que c’étoit plûtôt la conduite de Pierre son mary qui devoit leur faire pitié, commettant cette barbarie par les malins conseils de sa concubine, qui depuis longtemps étoit alterée de son sang.

Les Juifs apprehendans que les cris et le vacarme qu’alloient faire les filles de la Reine, n’empêchassent l’exécution de leur maîtresse, et ne revelassent le meurtre qu’ils avoient envie de cacher, les prirent toutes par la main, les arracherent de la chambre, et les traînans dans une cave, ils les y firent étrangler afin de tuer en suite la reine Blanche avec plus de secret et de liberté. Ces enragez ne tarderent pas à la dépêcher, en luy crevant le ventre par la chûte d’une grosse poutre, qu’ils laissèrent tomber sur elle, afin de l’étouffer par cet accablement, sans qu’il parût aucune goutte de sang sur son visage, ny sur son corps : et quand ils eurent fait ce détestable coup, ils se retirèrent aussitôt dans un château situé sur une haute roche, que le Roy leur avoit indiqué pour asyle.

Ce prince inhumain ne voulant pas s’attirer le reproche du meurtre qu’il avoit commandé, garda là dessus tous les beaux dehors dont il put s’aviser, faisant publier un manifeste dans lequel il se disculpoit de son mieux de cette vilaine action : mais la conduite qu’il tint dans la suite ne justifia que trop qu’il en étoit l’auteur ; car au lieu d’assieger ce château, dans lequel ces scélérats s’étoient cantonnez, pour en faire justice, ils en sortirent six mois après avec une impunité qui fit horreur à tout le monde, et l’on