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SUR DU GUESCLIN.

fortune avoit reduit sa condition. Ces trois hommes étoient assez embarassez eux mêmes, ne sçachans quel partj ce prince devoit prendre pour se tirer d’un pas si dangereux. Il vint là dessus un quatrième conseiller de cette nation nommé Manasses, qui prit la liberté de luy témoigner qu’il ne le croyoit pas en sûreté dans Burgos, et qu’il feroit mieux de s’aller établir dans Tolede, dont les murs étoient hors de prise et la citadelle bien fortifiée ; qu’il étoit donc d’avis qu’il partît incessamment de Burgos, et que pour n’en pas effaroucher les habitans, il leur fît entendre qu’il reviendroit au premier jour, puis que tout le but de son voyage ne tendoit qu’à faire cesser par sa presence une sédition qui s’étoit meüe dans cette grande ville, et qu’après avoir calmé ce désordre il retourneroit aussitôt sur ses pas pour venir en personne partager avec eux tous les dangers et toutes les fatigues de la guerre.

Cet avis étoit trop sensé, pour que ce prince n’y déférât pas : cependant un bourgeois de Burgos voyant que Pierre les alloit quiter, ne fut pas satisfait de cette conduite ; il s’ingera de luy representer que cette capitale qu’il avoit envie d’abandonner, avoit toujours été le séjour des roys d’Espagne, dont le couronnement ne s’étoit jamais fait ailleurs ; que Charlemagne, ce grand conquérant de l’Europe, et dont la reputation ne finiroit point qu’avec le monde entier, l’avoit toujours regardée comme le centre de ce pays, et qu’il n’auroit pas plûtôt pris le chemin de Tolede qu’ils se venoyent en proye à leurs ennemis, qui ne manqueroient pas de les venir assieger chez eux, et peut-être prendroient durant son absence une ville