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SUR DU GUESCLIN.

troublée, quand il apprit que Cardonne s’étoit rendue à son ennemy.

Quoy que Seville fût extrêmement forte, étant defendüe de trois citadelles, dont l’une étoit occupée par des juifs, l’autre par des chrétiens, et la troisiême par des sarrazins, cependant Pierre ne s’y trouvoit pas plus en sûreté qu’ailleurs, et ne put s’empêcher de faire sentir son chagrin à ces deux juifs Daniot et Turquant, qui par leurs pernicieux conseils l’avoient embarqué dans toutes les méchantes affaires qu’il avoit à soûtenir. Il leur reprocha qu’ils étoient la cause de tout son malheur, depuis qu’ils luy avoient malicieusement conseillé de faire mourir la reine Blanche, s’étant eux mêmes rendus les ministres et les instrumens de cette cruauté, pour assouvir leur vengeance particuliere ; que depuis ce detestable meurtre ils luy avoient attiré l’indignation de tous ses sujets, et la révolte de son propre frere qui le menoit battant par tout ; qu’ils meritoient qu’il les fit punir du dernier supplice, mais qu’il se contentoit de les bannir pour jamais de sa cour, dont il leur defendoit d’approcher sous peine de la vie.

Ces deux Juifs obeïrent sans repartir et sans entreprendre de se disculper auprés de ce prince irrité dont ils redoutoient la colere. Ils prirent le chemin de Lisbonne pour se mettre à couvert de l’orage qui les ménaçoit : mais par malheur ils furent rencontrez un matin par Mathieu de Gournay, chevalier anglois, qui les surprit sortans d’un vallon, comme il alloit au fourrage. Il ne les apperçut pas plûtôt qu’il vint à eux l’épée à la main, leur commandant de se lendre, ou qu’il leur en coûteroit la vie. Ces deux miserables,