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SUR DU GUESCLIN.

des blasphemes encore plus execrables, disant que s’il étoit tout puissant, il ne l’abandonneroit pas de la sorte. Le temps étoit si noir qu’ils ne sçavoient pas tous mettre un pied devant l’autre, quand Pierre s’avisa de faire porter devant eux sa table d’or sur une mule, afin que l’escarboucle dont nous avons parlé, jettant un grand brillant par tout, leur servît de guide et de lumière pour les éclairer au milieu de la nuit. Elle fut d’un fort grand secours à ce malheureux Roy, que l’on talonnoit de fort prés ; car quand ceux de Séville apprirent la cruelle exécution qu’il avoit fait faire de leurs principaux bourgeois, ils ne respirèrent plus que vengeance contre ce barbare.

Henry, Bertrand et toute la blanche compagnie se servirent d’une si favorable occasion pour se presenter devant les murailles de cette ville. L’intelligence qu’ils avoient déjà dans la place avec les juifs en facilita beaucoup la reddition. Les chrétiens et les sarrazins firent quelque mine de resister : mais les juifs étans soûtenus d’Henry, de Bertrand, du maréchal d’Andreghem, d’Hugues de Caurelay, de Mathieu de Gournay, de Gautier Hüet, du Besque de Vilaines, tout plia devant eux, et les bourgeois se joignirent avec eux contre la garnison, qui, se voyant attaquée de tous cotez, mit les armes bas et se rendit à la discrétion du vainqueur, qui bien loin de faire main basse sur elle, aima mieux luy donner quartier que de repandre le sang de tant de gens qui pouvoient encore combattre pour une meilleure cause que celle de Pierre, prince réprouvé de Dieu et hay des hommes pour tant de cruautez qu’il avoit commises, et qui l’avoient rendu l’horreur et l’execration de ses sujets