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ANCIENS MÉMOIRES

raillerie ; mais ce prince fut encore bien plus déconcerté quand le chevalier l’assura que ces instrumens étoient le partage des aveugles et des gueux, à qui l’on donnoit l’aumône, quand ils avoient joüé deux ou trois fois de la sorte que venoient de faire ces deux hommes qu’il estimoit tant. Il en eut tant de confusion, qu’il jura qu’il ne s’en serviroit plus. En effet il leur donna congé dés le lendemain, ne voulant plus retenir à sa cour de ces sortes de gens, qui luy faisoient affront devant les étrangers, qui seroient capables de le tourner en ridicule, quand ils diroient par tout que le roy de Portugal n’avoit point de plus agréable concert, ny de plus charmant plaisir que celuy d’entendre des vielleurs, qui sont par tout ailleurs si communs et si méprisez dans toute l’Europe.

Le roy de Portugal crut qu’il se tireroit mieux d’affaire en donnant au chevalier de Gournay le spectacle du tournoy, dans lequel il le voulut même engager et le mettre de la partie, luy disant qu’il avoit appris que les Anglois excelloient par dessus toutes les autres nations dans ces sortes d’exercices, et qu’il luy feroit plaisir de montrer son adresse et sa force dans cette lice, en présence de toute sa cour ; qu’une si belle assemblée meritoit bien qu’un chevalier aussi galant que luy, s’en donnât la peine. Il le cajola si bien, luy vantant la valeur des Anglois, que rien n’étoit capable d’étonner, et qui sortoient avec un succés admirable de toutes les expeditions qu’ils entreprenoient, que ce discours enfla le cœur du chevalier et luy donna tant de vanité, qu’il ne feignit point de répondre qu’il prêteroit le colet à qui oseroit mesurer ses forces avec luy ; que depuis qu’il s’étoit mis sur