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SUR DU GUESCLIN.

sçauroit bon gré de ce qu’il avoit bien voulu ne luy pas être contraire dans la justice de ses armes. Le Roy le fît asseoir à sa table et le regala de son mieux, le faisant entrer dans tous les divertissemens qu’on donnoit à la nouvelle épouse, et dans tous les honneurs qu’on luy faisoit. On n’y épargna pas les joueurs d’instrumens ; mais leurs concerts ne plurent aucunement à Mathieu de Gournay, qui n’étoit pas fait à ces sortes de cacofonies, dont les tons étoient si discordans qu’ils luy écorchoient les oreilles. Il ne put dissimuler le peu de goût qu’il prenoit à cette grossiere symphonie, disant qu’en France et en Angleterre la musique avoit bien d’autres charmes, et que les instrumens y étoient touchez avec beaucoup plus de délicatesse. Le Roy luy fit entendre qu’il avoit deux hommes de réserve, qui n’avoient point leurs semblables au monde sur cet art, et que quand il les auroit entendu il en seroit tellement enchanté qu’il conviendroit que dans toute l’Europe personne ne pouvoït enchérir sur le talent qu’ils avoient d’enlever le cœur par l’oreille. Le chevalier luy témoigna qu’il s’estimeroit heureux s’il pouvoit avoir part à ce plaisir.

Ce prince les fit appeller ; ils entrerent dans la salle avec une fierté qui surprit Mathieu de Gournay, car outre qu’ils étoient vétus comme des princes, ils avoient derrière eux chacun un valet qui portoit leurs instrumens. Ce chevalier s’attendoit à quelque chose de fort rare, mais il ne put se tenir de rire quand ils commencèrent à joüer comme ces vielleurs, qui vont en France par les villages quémander par les tavernes et les cabarets. Le Roy voulut sçavoir le sujet de sa