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ANCIENS MÉMOIRES

pour empêcher que toute l’Europe n’eût devant les yeux un si pernicieux exemple de perfidie, de trahison, de révolte et d’ingratitude.

Le prince de Galles appercevant que les larmes luy couloient des yeux, et que les sanglots empêchoient qu’il ne prononçât distinctement tout ce qu’il disoit, parut si fort émeü de son discours, que sans luy permettre de l’achever, il luy fit remettre son chapeau sur sa tête, luy disant qu’il alloit tout risquer, et qu’il sacrifieroit sa vie même dans une bataille pour lui mettre la couronne en main de la même maniere qu’il venoit de luy faire porter son chapeau sur sa tête, pour le faire couvrir. Pierre passa sur l’heure d’une grande douleur dans de grands sentimens de joye quand il vit que le prince de Galles entroit de si bon cœur dans ses intérêts. Il luy témoigna qu’il luy seroit redevable de sa couronne, et que s’il êtoit assez heureux pour rentrer dans la jouïssance de ses États par son secours, il luy en feroit volontiers hommage, et reconnoîtroit les tenir de luy comme son vassal. Le prince de Galles fit aussitôt apporter du vin dont il le fit servir par des chevaliers, sçachant que Pierre, au milieu de sa chute, n’avoit rien perdu de sa premiere fierté ; car il avoit un si grand fonds d’orgueil, qu’il ne croyoit pas que tous les souverains de l’Europe luy fussent comparables. Tandis qu’ils s’entretenoient ensemble, quatre Espagnols entrèrent dans la chambre portans sur leurs épaules cette table d’or dont nous avons déjà tant parlé. Quand elle eut été mise à terre, toute la cour s’approcha pour en admirer la beauté, la richesse et l’éclat. Pierre dit au prince qu’il le supplioit de vouloir ac-