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ANCIENS MÉMOIRES

rer, montra dés lors la tendresse de son naturel, en tachant de la consoler de son mieux. Elle prit tant de goût aux caresses que cet enfant luy fit, qu’elle voulut bien essuyer ses pleurs pour l’amour de luy. Comme sa douleur étoit un peu calmée, son chagrin se renouvella par la veüe de cette table funeste qu’un chevalier luy vint presenter de la part de Pierre, roy d’Espagne. Après qu’elle l’eut un peu regardée, ce fut pour lors que se souvenant que ce présent alloit beaucoup commettre la vie du prince de Galles, son époux, elle tourna la tête d’un autre côté, donnant mille malédictions, non seulement à cette table, mais à la personne qui l’avoit présentée, disant qu’elle leur alloit attirer de fort grands malheurs. Le prince qui croyoit l’avoir bien regalée, faisant transporter dans ses appartemens un meuble si précieux, et s’imaginant qu’elle l’auroit reçu comme le plus bel ornement qui devoit parer son palais, fut fort étonné quand le chevalier luy dit qu’elle n’en avoit aucunement paru satisfaite, et qu’elle avoit souhaité que Pierre n’eût jamais mis le pied dans sa cour, puisque la protection qu’il luy avoit promise, traîneroit après soy une guerre fort périlleuse. « Je vois bien, dit le prince de Galles, qu’elle voudroit que je demeurasse toujours auprés d’elle sans jamais sortir de sa chambre. Il faut qu’un prince qui veut eterniser son nom cherche les occasions de se signaler dans la guerre, et remporte beaucoup de victoires pour se faire un nom considerable dans la postérité, s’endurcissant à tous les dangers, connue firent autrefois Roland, Olivier, Ogier, les quatre Fils Aimon, Charlemagne, le grand Léon de Bourges, 'Juon de Tournant,