Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
401
SUR DU GUESCLIN.

Pierre, son parent, qu’il avoit dépoüillé de ses États par violence et par injustice, et que s’il n’avoit pas assez de cœur pour accepter le party qu’il luy proposoit, il luy commandoit de sortir au plûtôt de l’Espagne, et de deguerpir toutes les villes et tous les châteaux dont il s’étoit emparé par felonnie, le menaçant que s’il n’obeïssoit sur l’heure, il viendroit fondre sur luy pour l’accabler par une si formidable armée, qu’il ne pouroit pas se defendre de tomber dans ses mains et de mourir avec tous les siens, ausquels il ne feroit aucun quartier ; qu’à l’éyard des Anglois qui combattoient sous ses enseignes, s’ils ne revenoient dans le jour qu’il leur marquoit, il les traiteroit tous comme des traîtres, confisqueroit tous les biens qu’ils possedoient en Angleterre, et les feroit condamner à la mort.

La lecture de cette lettre déconcerta fort Henry, qui fît aussitôt appeller Bertrand, pour luy communiquer une affaire de cette importance. Ce prince tomba dans un si grand abbattement de cœur, qu’il n’avoit presque pas la force de parler, et ce qui luy causoit encore plus d’embarras, c’est qu’il se voyoit obligé de laisser aller les Anglois, en qui consistoit la principale force de ses troupes, jugeant bien que leur retraite alloit beaucoup les éclaircir. Mais Bertrand, que rien n’étoit jamais capable d’ébranler, luy dit qu’il ne falloit point se laisser intimider des menaces de ce fanfaron ; qu’il avoit encore bien du chemin à faire avant qu’il pût rétablir Pierre dans ses États, puis qu’il auroit en tête plus de cent mille hommes à combattre ; et maudit soit-il qui s’esbahira. Ce discours diminua beaucoup la crainte et la consternation d’Henry, qui