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ANCIENS MÉMOIRES

le maréchal d’Espagne marchoit à la tête du second corps, ayant à ses cotez le comte d’Aine, prince d’Arragon, tous deux suivis de gens fort lestes et qui paroissoient fort déterminez. Le prince de Galles venoit aussi de son côté dans une fort belle ordonnance, comptant dans son armée plus de dix sept mille hommes d’armes, sans le grand nombre d’arbalêtriers génois qui servoient dans ses troupes, et qui tiroient avec tant de justesse et de force, que leurs coups étoient sûrs. Tous ces grands apprêts promettoient un fort grand fracas des deux cotez. Le prince de Galles demanda passage au roy de Navarre sur ses terres, et des vivres, en payant ; on n’osa pas les luy refuser, de peur qu’il n’y fit des hostilitez et ne s’emparât des meilleures places de ce royaume, pour s’en assûrer la domination, sous prétexte qu’on n’auroit point eu d’égard à sa demande. Le passage luy fut donc ouvert ; mais il trouva peu de quoy subsister dans un païs si maigre ; ce qui fit soufrir à ses troupes d’étranges incommoditez : les païsans même, avoient la malice d’enfoüyr sous terre leurs bleds et leurs provisions, afin que ces étrangers en manquassent, et qu’il ne leur prit aucune envie de faire chez eux un plus long séjour. Guillaume Felton, qui commandoit l’avantgarde angloise, fit dans la Navarre des dégâts horribles, pillant, ravageant par tout sur sa marche, et faisant enlever par ses gens, bœufs, vaches, moutons et tout ce qu’ils trouvoient sous leur main.

Bertrand envoya toûjours devant quelques espions à l’armée du prince de Galles, pour apprendre ce qui s’y passoit et quel mouvement elle faisoit. On luy rapporta qu’on n’avoit jamais veu de si belles troupes,