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ANCIENS MÉMOIRES

perdre l’envie de fuir, et leur inspirer celle de bien combattre. Ils faisoient si belle montre, qu’il sembloit que les Anglois ne pouroient pas tenir contre eux, et qu’il n’y avoit point d’armée, si forte qu’elle fût, qui pût résister à des gens si lestes et si déterminez.

Bertrand, qui ne se payoit point de toute cette belle apparence, voulut pressentir le maréchal d’Andreghem sur ce qu’il en pensoit. Celuy-cy luy declara qu’il croyoit que ces gens seroient d’une grande execution dans une bataille, et vendroient à leurs ennemis cherement leur vie. Guesclin secoüant la tête, répondit qu’il n’en attendoit pas grand chose, et qu’il apprehendoit qu’ils ne lâchassent le pied dans l’occasion. Cependant Henry comptoit beaucoup sur vingt mille arbalêtriers genois qui servoient dans ses troupes ; et pour les engager à bien faire, il leur remontra que la victoire leur coûteroit peu, puis qu’ils alloient combattre des gens affamez qui pouvoient à peine soutenir les armes qu’ils portoient ; qu’avec un peu d’effort ils pouroient affermir sur sa tête la couronne que Pierre luy vouloit disputer ; qu’il leur croyoit à tous trop de cœur et de resolution pour penser à jamais reculer, et que s’ils étoient assez lâches pour en venir là, qu’il ne pardonneroit à pas un d’eux tous, qu’il feroit pendre sans rémission, sans même épargner là dessus leurs femmes et leurs enfans ; enfin que ceux qui payeroient bien de leurs personnes seroient fort bien recompensez. Ces Génois luy témoignerent qu’il éprouveroit bientôt jusqu’où pouvoit aller leur courage et leur fidélité, le conjurant de bannir là dessus toutes les arrière-pensées qui pouroient tomber dans son esprit. Bertrand qui ne se trompoit jamais dans