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ANCIENS MÉMOIRES

voulut là dessus luy faire perdre tous les sentimens d’estime et de clemence qu’il avoit pour eux, en le priant de ne leur faire aucun quartier, parce que c’étoit ceux qui l’avoient chassé de ses États. Bertrand, ayant entendu ces paroles, luy déchargea sur son casque un grand coup de sabre, dont il l’étourdit, et l’alloit achever, s’il n’en eût été sur l’heure empêché par un cavalier qui le saisit au cou par derriere, et luy dit qu’il se rendît, et qu’il devoit être content de ce qu’il avoit fait, après avoir si bien payé de sa personne. Bertrand, jettant les yeux de tous côtez, et voyant que tous ceux de son party étoient pris on tuez, il éleva sa voix en disant qu’il se rendoit au prince de Galles ; le Besque de Vilaine et le maréchal d’Andreghem suivirent son exemple. Le cruel Pierre, qui ne se croyoit pas bien victorieux tandis que ces trois hommes demeureroient encore au monde, conjura le Prince de les luy livrer pour assouvir sur eux sa vengeance, luy promettant de luy donner autant d’argent que Bertrand en pouroit peser. Mais ce genereux seigneur ne le voulut pas écouter ; il luy remontra qu’il ne commettroit jamais une si grande lâcheté, que d’abandonner à sa discrétion de fameux generaux, qui, selon les loix de la guerre, s’étoient rendus à luy de bonne foy, sur la parole qu’il leur avoit donnée de leur sauver la vie ; qu’ils étoient ses prisonniers, et qu’il ne permettroit pas qu’on leur fit aucune indignité. Ce Prince appella tout aussitôt le captal de Buc, et le chargea de la garde de ces trois braves capitaines. Ccluy-cy dit obligeamment à Bertrand qu’il avoit son tour cette fois, et qu’ayant été son prisonnier à la bataille de Cocherel, il étoit devenu le sien