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SUR DU GUESCLIN.

dans cette journée. Guesclin luy répondit en riant qu’il y avoit quelque différence, puis qu’à Cocherel il l’avoit fait prisonnier de sa propre main, et que le captal n’avoit pas eu le même avantage sur luy, puisque ce n’étoit pas luy qui l’avoit contraint de se rendre.

Pierre après un si grand succés, crut que sa victoire ne seroit pas entière, ny complette s’il n’étoit maître de la vie d’Henry qu’il vouloit immoler à sa vengeance et à sa cruauté. C’est la raison pour laquelle il envoya par tout pour le chercher. Mais ceux qu’il dépêcha pour cette recherche n’en purent apprendre aucune nouvelle, et d’ailleurs ils étoient si affamez, qu’ils furent contraints d’entrer dans Navarrette pour chercher des vivres. Le prince de Galles fit apporter sa table au milieu du champ de bataille pour rendre sa victoire encore plus celebre, et voulut être servy sur le pré, quoy qu’il fut tout couvert de morts et de mourans. Le captal de Buc qui connoissoit la valeur et le merite de Bertrand, luy fit l’honnêteté de luy dire qu’il ne le confineroit dans aucune prison, s’il luy vouloit donner sa parole de ne point s’evader sans le congé du prince de Galles, et qu’il auroit une liberté toute entiere de se promener et de vivre avec eux, s’il vouloit, en homme d’honneur, faire serment de n’en point abuser. Et par Dieu, dit Bertrand, j’aurois plus chier être mort que mon serment eusse faussé ne rompu. Si bien qu’il s’estima bienheureux de voir que ses ennemis avoient tant de consideration pour luy.