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ANCIENS MÉMOIRES

dessus. Il fit appeller pour ce sujet le duc de Lancastre, son frère, le comte d’ Armagnac, Jean de Chandos, le captal de Buc, Hugues de Caurelay, le sire de Mucidan, le comte de Pembroc et tous les seigneurs de sa Cour, ausquels il exposa la pressante nécessité dans laquelle ils étoient de vuider ce païs, où ses troupes ne pouvoient plus trouver de quoy vivre ny subsister ; que le roy Pierre luy avoit proposé de se retirer du côté de la Navarre où il y avoit abondance de vins et de vivres, et qu’il s’y rendroit au premier jour pour leur apporter toutes les sommes qu’il leur avoit promises et qu’il alloit lever sur ses peuples. Il n’y en eut pas un qui ne donnât dans ce panneau, tant ils avoient tous de démangeaison de revoir leurs femmes et leurs enfans, et de s’aller délasser chez eux de toutes les fatigues que cette guerre et la famine leur avoit fait essuyer.

Cette resolution prise on en fit part au roy Pierre, qui ne demandoit qu’à voir leurs talons. Chacun plia bagage. On eut soin de faire aussi partir Bertrand, le Besque de Vilaines et le maréchal d’Andreghem, ausquels on donna de fort bons chevaux. Guesclin ne faisoit point paroître aucune consternation sur son visage, se soûtenant dans sa mauvaise comme dans sa bonne fortune sans se démentir. Il n’osoit pas faire aucune avance auprés du prince de Galles pour sa liberté, parce qu’il sçavoit que cette démarche auroit été non seulement prématurée, mais inutile. Cependant Hugues de Caurelay voulut bien rompre cette glace en faveur de Bertrand qu’il aimoit. Il prit la liberté de représenter à son maître qu’un si brave general meritoit bien qu’on eût pour luy quelque in-