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SUR DU GUESCLIN.

dulgence, et qu’ayant un plus grand fonds de valeur que de biens, il se promettoit de sa generosité qu’il luy feroit quelque grâce pour sa rançon. Le Prince ne reçut pas bien ce compliment ; il témoigna tout au contraire que cette même bravoure de Bertrand étoit la grande raison qu’il avoit de le retenir, car s’il luy donnoit une fois la clef des champs, ce seroit déchaîner contre eux un lion furieux qui seroit capable de les devorer ; que cet homme, ne se pouvant tenir dans sa peau, ne manqueroit pas de leur faire la guerre aussitôt qu’il se verroit en liberté ; qu’il étoit donc plus à propos de ne point lâcher sur eux ce dogue de Bretagne, si fatal aux Anglois. Caurelay n’ayant pas reüssi dans sa tentative, fit part à Guesclin de ce peu de succés, et l’assûra que c’étoit avec bien du chagrin qu’il se voyoit obligé de luy faire un si triste rapport. Bertrand le remercia de son zele et des soins qu’il avoit bien voulu prendre pour sa délivrance, luy disant que c’étoit un ouvrage qu’il falloit laisser faire à Dieu et au temps. Le prince de Galles cependant eut une grande mortification quand il éprouva l’infidélité de Pierre, dont il étoit devenu la duppe ; car, s’étant retiré dans la Navarre avec ses troupes, il n’y trouva pas de quoy vivre, toute la moisson ayant été consommée. Le grand nombre de gens de guerre qu’il traînoit à sa suite manquerent de tout, et Pierre, qui luy devoit apporter tant d’argent, tant de richesses et tant de trésors, le laissa morfondre avec tout son monde dans la Navarre et ne parut point.

Ces deux perfidies le firent repentir de la vaine équipée qu’il avoit fait pour ce misérable qui le joüoit, après en avoir tiré de si grands services. Dans l’indi-