Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
434
ANCIENS MÉMOIRES

Où voulez VOUS aller pelerin ? Celuy-cy luy répondit qu’il s’en alloit droit à Paris pour servir le roy de France, son maître, dont il étoit sergeant d’armes. Je vous prie, ajoûta le roy d’Arragon, de luy faire mes complimens. Là dessus Henry, voyant que ce prince ne le reconnoissoit point demanda de luy parler en particulier. Il se tirerent tous deux à l’écart, afin qu’il n’y eût aucuns témoins de leur entretien. Ce fut pour lors qu’Henry, luy faisant une profonde reverence, se découvrit à luy, le conjurant de luy vouloir garder le secret, et luy déclara qu’il étoit ce même Henry, qui venoit d’être dépoüillé de tous ses États, et qui s’etoit travesty pour se rendre à coup sûr auprés de sa personne, et luy demander son secours et sa protection.

Le roy d’Arragon le regardant plus exactement luy fit mille excuses de ce qu’il ne l’avoit pas reconnu plûtôt, et se mit à le caresser et le traiter d’égal, luy témoignant qu’il prenoit part à son infortune, et qu’il feroit de son mieux pour contribuer à l’en faire sortir. Henry luy rendit grâces de toutes ses honnêtetez et luy dit qu’il alloit en France, à la cour du duc d’Anjou, dans l’esperance que ce prince ne l’abandonneroit point et voudroit bien faire quelque effort en sa faveur. Le roy d’Arragon s’étant informé de l’état auquel il avoit laissé la Reine, sa femme, luy promit qu’au retour du voyage qu’il alloit faire, il luy donneroit deux cens hommes d’armes qui le serviroient gratuitement quatre mois entiers. Henry se sçût bon gré d’avoir trouvé tant d’accès auprés d’un souverain si généreux, et ne perdit pas l’esperance de remonter un jour sur le trône, si le duc d’Anjou luy