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SUR DU GUESCLIN.

faisoit un semblable accueil. Il prit donc congé du roy d’Arragon, le priant de luy conserver durant son absence tous les bons sentimens dont il le flattoit. Il prit ensuite le chemin de Bordeaux avec ses deux compagnons, portant l’écharpe au cou et le bourdon en main. Ces deux hommes qui l’accompagnoient luy remontrerent le danger dans lequel il s’alloit plonger s’il étoit une fois découvert dans une ville ennemie, où le prince de Galles, son vainqueur, faisoit sa residence et tenoit sa Cour. Mais il avoit une si grande démangeaison de s’aboucher avec Bertrand, le Besque de Vilaines et le maréchal d’Andreghem, qui y demeuroient prisonniers, qu’il résolut de tenter toutes sortes de périls pour se satisfaire.

Il entra donc sur le soir à Bordeaux et s’alla loger dans une hôtellerie. Ses compagnons trembloient de peur qu’il ne fût reconnu. Ce prince travesty soupa tranquillement avec eux, et s’alla coucher avec autant de securité que s’il eût été dans Tristemare. Il réva toute la nuit aux moyens de pouvoir parler à Bertrand. Il se leva de grand matin, reprenant ses habits de pelerin de Saint Jaques, et s’en alla droit à l’église de Notre Dame pour entendre, la messe, et recommander ses interêts à Dieu. Tandis qu’il étoit à genoux avec ses compagnons, plusieurs chevaliers qui s’étoient trouvez à la bataille de Navarrette, et même dans le party de Bertrand, jettèrent attentivement les yeux sur luy, sans pourtant le remettre, et, quand la messe fut finie, la curiosité leur fit joindre ces étrangers en leur disant : Pelerins, vous venez d’un pays où nous avons eu pauvre encontre. Henry prit la parole en leur déclarant qu’il en avoit eu sa bonne