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ANCIENS MÉMOIRES

à sa table, elle poussa si loin la bienveillance qu’elle avoit pour luy, qu’elle luy dit qu’elle vouloit contribuer de dix mille livres au payement de sa rançon. Bertrand, comblé de tant de faveurs, sortit de la cour de Bordeaux avec joye. L’on avoit stipulé avec luy qu’il retourneroit dans un certain temps auprés de la personne du prince pour apporter les deniers à quoy luy même il s’étoit taxé ; que cependant il ne luy seroit pas permis de porter aucunes armes sur soy ; que s’il n’avoit pas fait tout son argent dans le jour qu’on luy avoit marqué, les choses demeureroient comme non avenües, et qu’il rentreroit en prison. Hugues de Caurelay, son amy, le voulut conduire bien loin pour luy faire honneur, et luy dit sur le chemin qu’ayant tous deux servy dans la derniere guerre d’Espagne, qu’ils avoient entreprise en faveur d’Henry contre Pierre, ils avoient fait quelques butins ensemble, et qu’il croyoit luy être redevable de quelque chose, le partage n’ayant pas été fait au juste entr’eux deux. Bertrand luy témoigna là dessus un entier desintéressement, ce qui servit de motif à Caurelay pour luy faire offre de vingt mille doubles d’or, qui valoient une livre ou vingt sols chacun. Guesclin, ne pouvant assez reconnoître une si grande générosité, l’embrassa tendrement, et ces deux braves, tout intrepides qu’ils étoient, ne se purent séparer sans pleurer.

Bertrand à peine avoit-il fait une lieüe de chemin, qu’il rencontra sur sa route un pauvre cavalier, qui vint à luy chapeau bas, pour le féliciter de ce qu’il le voyoit sur les champs sans être plus dans les mains du prince de Galles. Il le reconnut aussitôt pour avoir