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SUR DU GUESCLIN.

genereux que, quand il rencontroit sur sa route quelque pauvre cavalier démonté, qui n’avoit pas encore payé sa rançon, tout aussitôt il ordonnoit à son tresorier de luy compter l’argent dont il avoit besoin pour se tirer d’affaire. Un jour il en trouva dix sur son chemin, qui luy parurent fort delabrez. Ils se disoient les uns aux autres les mauvais traitemens qu’on leur avoit fait souffrir à Bordeaux, dont on leur avoit permis de sortir sur leur parole pour aller chercher leur rançon. Les uns faisoient serment qu’ils ne s’aviseroient plus d’aller faire la guerre en Espagne, de peur de retomber dans la peine et l’embarras où ils étoient alors ; d’autres témoignoient qu’ils y retourneroient encore volontiers s’ils étoient sûrs de servir soûs Bertrand, qui ne seroit jamais indifferent sur leurs miseres, et feroit genereusement les derniers efforts pour les en tirer.

Ces dix hommes, en chemin faisant, arrivèrent enfin dans une hôtellerie. Leur air pauvre fit appréhender au maître du logis qu’ils n’eussent pas dequoy payer leur souper et leur gist. Il balança quelque temps à leur faire tirer du vin, leur demandant s’ils avoient de l’argent pour le satisfaire. L’un d’eux répondit que son inquietude là dessus étoit prématurée ; qu’ils avoient encore assez dequoy le contenter quoy qu’ils eussent essuyé beaucoup de miseres à Bordeaux, dont ils venoient de sortir avec Bertrand, qui s’étoit taxé luy même à soixante mille doubles d’or, et que la somme étant excessive il auroit assez de peine, avec tout son crédit, de la trouver dans la bourse de ses amis. Quand l’hôte les entendit parler de Bertrand, pour lequel il avoit une vénération tout le sin-