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ANCIENS MÉMOIRES

guliere, il leur dit qu’il se saigneroit volontiers pour contribuer à le tirer d’affaire ; qu’il avoit encore dix chevaux dans son écurie, cinq cens moutons dans ses bergeries, presque autant de pourceaux dans ses étables, et plus de trente muids dans sa cave, qu’il vendroit de bon cœur pour en assister ce brave gêneral ; et par Dieu qui peina en croix, et le tiers jour suscita qu’il vendrait aussi tous les draps que sa femme avoit aquatez quant ils furent mariez. Enfin le nom de Guesclin mit cet hôte de si belle humeur, qu’il dît à ces dix avanturiers qu’il les vouloit regaler gratuitement pour l’amour de luy ; qu’il leur feroit servir des pâtez, du rôty et du meilleur vin sans qu’il leur en coûtât un denier, pour les recompenser du plaisir qu’ils luy faisoient de luy parler du plus genereux et du plus intrepide et fameux capitaine qui fût dans toute l’Europe.

En effet il leur tint parole de fort bonne grâce, et comme ils étoient tous à table, Bertrand vint par hasard descendre dans cette même hôtellerie pour y dîner avec tout son monde, aussitôt que ces dix prisonniers l’apperçurent, ils se leverent par respect pour luy faire honneur. Il les reconnut aussitôt, et les voyant si mal en ordre, il leur demanda s’ils avoient fait sur les chemins quelque mauvaise rencontre de voleurs, qui les eussent mis dans un état si pitoyable, puis qu’il les avoit veüs à la bataille de Navarrette dans un assez bon équipage. L’un d’eux prit la parole pour les autres, avoüant qu’ils avoient tous été faits prisonniers dans ce combat, et qu’ils étoient tombez dans les mains de gens qui les avoient traité connue des brigands et des meurtriers, et que leur misere