Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 5.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
SUR DU GUESCLIN.

le monter avec des échelles de corde et d’autres instrumens. Les François, voulans venger l’affront que le gouverneur de Bressière avoit fait à leur general, s’acharnerent à cet assaut avec une vigueur incroyable, fichans leurs dagues et leurs poignards entre les pierres et le mortier, afin de se faire, dans les jointures, des degrez et des échelons pour monter à la cime des murs. Les Anglois leur lâchoient, de dessus leurs rampars, des tonneaux remplis de pierres et de cailloux, et ceux sur lesquels ils tomboient, demeuroient écrasez sous leur chute. Touttes ces disgraces ne faisoient que redoubler l’ardeur de ceux qui n’en étoient point atteints, et sans s’effrayer de la veüe de ceux qui culbutoient dans les fossez, ils gagnerent le haut du rempart en grand nombre. Celuy qui portoit l’étendard de Bertrand, le vint poser au pied du mur en criant Guesclin ! pour braver encore davantage les ennemis, qui commençoient à perdre cœur au milieu de tant de François qu’ils voyoient affronter le peril avec tant d’intrépidité. Un Anglois s’efforça d’enlever cette enseigne par la pointe de la pique qui la soutenoit, mais Jean du Bois, qui la portoit, la poussant contre luy, luy perça l’œil droit et luy fit prendre le party de se retirer avec sa blessure. Le maréchal d’Andreghem fit des choses incroyables dans cet assaut[1], qui luy coûterent enfin la vie ; car trois fois il monta sur le mur, dont il fut repoussé par trois fois et renversé dans les fossez. Toutes ces chûtes, jointes aux coups

  1. Et là acoucha malade le noble mareschal d’Audrehem, qui oncques puis n’en leva, mais trespassa en ladite ville. Dieu ayt mercy de son ame. Car il regna loyaulment, ne oncques pensa mal. (Ménard, p. 447.)