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SUR DU GUESCLIN.

voyans leur general abbattu perdirent cœur à ce spectacle, et ne combattirent plus qu’avec beaucoup de tiédeur et de découragement. Ce Carenloüet dont nous avons parlé fit une action qui fut d’un grand poids pour les affaires d’Henry, car rencontrant sous sa main Jean de Mayeul, principal conseiller du roy Pierre, et qui avoit tout son secret, il luy donna de sa hache un si grand coup sur l’épaule, qu’il le fendit presque par le milieu du corps, et le fit tomber mort à terre. Le Besque de Vilaines voyant la bravoure de Carenloüet, ne put s’empêcher de luy dire : Benoite soit la mere qui te porta !

Pierre fut si touché de la perte de son favory, qu’il ne se posseda plus du tout. La crainte et l’étonnement le saisirent si fort, qu’il s’alla cacher dans un bois fort épais, et se mit à couvert de peur d’être assommé comme les autres. Il eut le déboire d’appercevoir de là, la déroute de tout son monde et la terre jonchée d’Espagnols, de juifs et de sarrazins à qui l’on venoit de faire mordre la poussiere. Cette défaite fut si grande, que de dix mille sarrazins que l’amiral avoit amenez, il n’en resta pas seulement cinq cens. Il ne s’agissoit plus pour achever cette victoire, que de dénicher Pierre de cette forêt dans laquelle il étoit entré fort avant pour s’y mieux garantir du danger qui le menaçoit. Mais Bertrand, craignant qu’il n’y eut là quelque embuscade n’osa pas entreprendre de l’y forcer ; il se contenta de détacher quelques coureurs ausquels il donna l’ordre de faire la guerre à l’œil, et de voltiger autour de la forêt pour voir s’ils ne découvriroient rien. Pierre s’apperccvant qu’on le cherchoit, eut recours à la vitesse de son cheval, que jamais on