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SUR DU GUESCLIN.

toile, et les léopards d’Angleterre arborez sur leurs enseignes, s’imaginerent que c’étoient les Anglois qui revenoient victorieux. Les François, pour les faire encore donner d’avantage dans le piege qu’ils leur tendoient, s’approcherent des portes de leur ville en criant : Saint George ! Les bourgeois ne manquerent pas de les leur ouvrir aussitôt ; mais cette credulité leur fut beaucoup pernicieuse ; car les François entrerent dedans comme dans une ville prise d’assaut, y firent touttes les hostilitez dont ils s’aviserent, mirent à mort tout ce qui voulut resister, et prirent à rançon tous ceux qui voulurent se rendre, si bien que tout le Poitou revint à l’obéissance des lys et secoüa le joug des léopards.

Bertrand, après s’être emparé de touttes les places de cette province, en établit Alain de Beaumont gouverneur, et s’en alla droit à Paris pour rendre compte au Roy son maître de la situation dans laquelle il avoit laissé les affaires. Charles le Sage le reçut avec touttes les démonstrations d’une joye parfaite, et luy fit tout l’accüeil qu’un general victorieux doit attendre d’un prince qu’il a bien servy. Guesclin ne fit pas un fort long sejour à la cour, et comme le duc d’Anjou demandoit du secours au Roy, son frère, on en donna le commandement à Bertrand, qui fit des choses incroyables en faveur de ce prince avec le maréchal de Sancerre, Ivain de Galles et d’autres chevaliers, contre les Anglois, ausquels ils enleverent plusieurs places, et particulièrement le château de la Bernardière et Bergerac, qu’ils remirent à l’obéïssance du duc d’Anjou, qui s’estima fort heureux de s’être servy de la tête et