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SUR DU GUESCLIN.

dague avec lesquels il le mit tout en sang. La honte et le deplaisir que ce pauvre prince eut de se voir ainsi maltraité, luy fit faire un coup de desespoir, et, sans plus songer au déplorable état de sa condition, qui le rendoit esclave de son ennemy, il se jetta sur luy, le colleta d’une si grande force et avec tant de rage qu’ils tomberent tous deux à terre, Henry dessous luy.

Ce dernier, qui ne s’étoit pas desaisy de sa dague, faisoit les derniers efforts pour luy donner de la pointe dans le petit ventre ; mais Pierre avoit une cotte de mailles qui le mettoit à l’épreuve des coups qu’Henry luy portoit, et tachoit de luy arracher le poignard des mains, afin de l’en pouvoir percer à son tour. Bertrand arriva tandis qu’ils étoient ainsi l’un sur l’autre, et cria[1] qu’on vint vite dégager le Roy de dessous ce prince apostat, qui devoit mourir avec infamie. Ce fut alors que le bâtard d’Anisse, créature d’Henry, courut à son maître, et le prenant par la jambe, il le releva. Pierre resta couché par terre et tiroit à la fin d’une blessure qu’il avoit reçue d’un coup qui n’avoit pas porté à faux comme les premiers. Quand Henry le vit en cet état, il commanda qu’on luy tranchât la tête. Un écuyer espagnol se présenta là qui luy demanda la permission de l’expédier, pour se venger d’un pareil

  1. Et commença Bertran à dire : « Lessiez vous occire le roy Henry à tel vice par un faulx traictre renoyé, qui oncques ne fist bien en jour de sa vie ? » Lors dist au bastard d’Anysse, qui estoit privé dudit Henry : « Alez aidier au roy Henry. Car vous le povez faire. Prenez-le par la jambe, et le montez dessus. » (Ménard, p. 375).

    La mort de Pierre est racontée diversement par les anciens auteurs. Le récit de Menard est dénué de foule vraisemblance, et ne s’accorde pas avec la loyauté connue de Du Guesclin.