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SUR DU GUESCLIN.

festin plus agréable, ce fut la presence de sa femme, qui se trouva là, dont tout le monde admira la sagesse, la beauté, les reparties judicieuses et spirituelles, étant, comme nous avons dit, universelle en toutte sorte de sciences, et même elle avoit une connoissance presque infallible de l’avenir, dont elle donna quelques preuves, quand elle avertit son mary que le jour de la bataille d’Aüray, dans laquelle il fut pris, devoit être malheureux pour luy. Bertrand donna le lendemain les ordres a ce que chacun se tint prêt pour venir dans trois jours à Vire avec luy, pour une prompte expedition qu’il avoit dans l’esprit. Tout le monde se mit en état de le suivre, et se prepara de son mieux, afin que le service se fît au gré de ce nouveau connétable, dont les preliminaires étoient si beaux, et qui promettoit de fort grands progrés dans la suite. Étant sur le point de monter à cheval, il prit congé de la dame sa femme, à laquelle il donna le choix ou de rester à Caën, ou de s’aller retirer en Bretagne a sa seigneurie de la Roche d’Arien, la conjurant de se souvenir de luy dans ses prieres, et de recommander à Dieu sa personne et la justice de la cause pour laquelle il alloit combattre. La dame le supplia de ne se point commettre dans les jours ausquels elle luy avoit témoigné qu’il y avoit quelque fatalité attachée. Guesclin luy promit d’y faire les reflexions nécessaires, plûtôt par la complaisance qu’il avoit pour elle, que pour la foy qu’il eût pour touttes ces sortes de prédictions. Il partit de Caën à la tête de beaucoup de troupes fort lestes et dans une fort belle ordonnance ; et le soleil, dardant sur leurs casques et leurs cuirasses,