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SUR DU GUESCLIN.

surpris en son absence. Quand Guesclin le vit approcher, il luy dit : bienveillant sire, par Saint Maurice dînerez avec moy, et buvrez de mon vin ainçois que partiez ; car vous avez été mon amy de pieça. Il le cajola de son mieux de la sorte, le faisant souvenir de tous les travaux qu’ils avoient essuyez ensemble en Espagne, quand ils faisoient la guerre en faveur d’Henry contre Pierre, et qu’il ne l’avoit quité, que parce que le service du prince de Galles, son maître, l’appelloit ailleurs, ainsi que doit faire tout bon sujet et fidelle vassal. Il ajouta qu’il avoit pris la liberté de le faire venir pour renouveller leur ancienne amitié, le verre à la main, sans faire préjudice au service commun de leurs maîtres, les roys de France et d’Angleterre.

Cressonval luy témoigna que les liaisons particulieres qu’il avoit avec luy, ne seroient jamais capables de luy faire trahir la fidelité qu’il devoit à son prince ; aussi Guesclin luy fit connoître qu’un repas fait entre deux amis sujets de deux souverains ennemis, ne leur pouroit attirer aucune affaire auprés de leurs maîtres, puis que chacun d’eux se mettroit en devoir de les bien servir quand l’occasion s’en presenteroit. Enfin Cressonval se rendant à des raisons si specieuses et si fortes, n’osa pas refuser la prière qu’il luy faisoit avec tant d’honnêteté de vouloir bien manger avec luy. Bertrand le regala fort splendidement. Ils s’entretinrent durant leur dîner des perils qu’ils avoient essuyez ensemble, et de quelques engagemens de cœur qu’ils avoient eu pour les dames, tandis qu’ils étoient en Espagne. Quand le repas fut achevé, Guesclin tira Cressonval à l’écart, et luy dit qu’il n’avoit souhaité