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puis le jouet de la fortune, le mépris des peuples qui lui devoient être soumis, et vit une autre tenir la place qui lui avoit été destinée. Elle étoit fille de Henri ii et de Catherine de Médicis, fut, par raison d’État, mariée au feu Roi, qui lors étoit roi de Navarre, lequel, à cause de la religion prétendue dont il faisoit profession, elle n’aimoit pas. Ses noces, qui sembloient apporter une réjouissance publique, et être cause de la réunion des deux partis qui divisoient le royaume, furent au contraire l’occasion d’un deuil général et d’un renouvellement d’une guerre plus cruelle que celle qui avoit été auparavant ; la fête en fut la Saint-Barthélemy, les cris et les gémissemens de laquelle retentirent par toute l’Europe, le vin du festin le sang des massacrés, la viande les corps meurtris des innocens pêle-mêle avec les coupables ; toute cette solennité n’ayant été chômée avec joie que par la seule maison de Guise, qui y immola pour victimes à sa vengeance et à sa gloire, sous couleur de piété, ceux dont ils ne pouvoient espérer avoir raison par la force des armes.

Si ces noces furent si funestes à toute la France, elles ne le furent pas moins à elle en son particulier. Elle voit son mari en danger de perdre la vie, on délibère si on le doit faire mourir, elle le sauve. Est-il hors de ce péril, la crainte qu’il a d’y rentrer fait qu’il la quitte et se retire en ses États ; il se fait ennemi du Roi son frère ; elle ne sait auquel des deux adhérer : si le respect de son mari l’appelle, celui de son frère et de son Roi et celui de la religion la retiennent. L’amour enfin a l’avantage sur son cœur ; elle suit celui duquel elle ne peut être séparée qu’elle