Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/286

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ne le soit d’elle-même. Cette guerre finit quelquefois, mais recommence incontinent, après, comme une fièvre qui a ses relâches et ses redoublemens. Il est difficile qu’en tant de mauvaises rencontres il n’y ait entre eux quelque mauvaise intelligence, les soupçons, nés des mauvais rapports, fort ordinaires à la cour, et de quelques occasions qu’elle lui en donne, séparent l’union de leurs cœurs, comme la nécessité du temps fait celle de leurs corps. Cependant les trois frères meurent, l’un après l’autre, dans la misère de ces guerres : son mari succède à la couronne ; mais comme elle n’a point de part en son amitié, il ne lui en donne point en son bonheur. La raison d’État le persuade facilement à prendre une autre femme pour avoir des enfans, qu’il ne pouvoit plus avoir de celle-ci. Elle, non si touchée de se voir déchoir de la qualité de grande reine de France en celle d’une simple duchesse de Valois, qu’ardente et pleine de désir du bien de l’État et du contentement de son mari, n’apporte aucune résistance à ce qu’il lui plaît, étant, ce dit-elle, bien raisonnable qu’elle cède de son bon gré à celui qui avoit rendu la fortune esclave de sa valeur. Et, au lieu que les moindres femmes brûlent tellement d’envie et de haine contre celles qui tiennent le lieu qu’elles estiment leur appartenir, qu’elles ne les peuvent voir, ni moins encore le fruit dont Dieu bénit leurs mariages, elle, au contraire, fait donation de tout son bien au dauphin que Dieu donne à la Reine, et l’institue son héritier comme si c’étoit son fils propre, vient à la cour, se loge vis-à-vis du Louvre, et non-seulement va voir souvent la Reine, mais lui rend jusqu’à la fin de ses jours tous les