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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/307

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lui faisoit prendre créance en ceux qu’elle pensoit lui pouvoir donner meilleur conseil ; et, soit qu’elle n’eût pas assez de lumières pour reconnoître celui qui étoit le plus habile à la conseiller, ou que, par une condition ordinaire à celles de son sexe, elle fût facile à soupçonner et à croire ce qu’on imposoit aux uns et aux autres, elle se laissoit conduire tantôt à l’un, tantôt à l’autre des ministres, selon qu’il lui sembloit s’être bien ou mal trouvée du dernier conseil qui lui avoit été donné : d’où venoit que sa conduite n’étoit pas uniforme et d’une suite assurée ; ce qui est un grand manquement, et le pire qui soit en la politique, où l’unité d’un même esprit et la suite des mêmes desseins et moyens, conservent la réputation, assurent ceux qui travaillent dans les affaires, donnent terreur à l’ennemi, et atteignent bien plus certainement et promptement à la fin, que non pas quand la conduite générale n’est pas correspondante à toutes ses parties, mais comme d’une personne qui erre et qui, prenant tantôt un chemin, tantôt un autre, travaille beaucoup sans s’avancer au lieu où elle tend. La Reine donc se gouvernant ainsi, le maréchal d’Ancre avoit ce déplaisir, qu’elle ne suivoit pas son avis aux affaires qui concernoient l’État, et néanmoins toute l’envie en retomboit sur lui, et ceux qui étoient offensés du gouvernement lui attribuoient la cause du mauvais traitement qu’ils croyoient recevoir ; à quoi néanmoins il aidoit bien par sa faute, d’autant que, par vanité ou autrement, il essayoit de faire croire à tout le monde que rien ne se passoit que par son avis.

Quand le marquis de Cœuvres eut vu M. de Bouil-