Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/443

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çons, qui consistoit en ce que, pensant n’être pas aimé, il vouloit régner par la crainte : moyen très-mauvais pour retenir cette nation aussi ennemie de la servitude qu’elle est portée à une honnête obéissance ; cet appui qu’il cherchoit à sa fortune fut la cause de sa ruine, rien ne l’ayant perdu que ce qu’il pensoit devoir affermir son autorité.

On peut dire qu’il n’eut jamais intention qui n’eût pour but l’avantage de l’État et le service du Roi, aussi bien que l’établissement de sa fortune, mais que ses desseins étant bons ils étoient tous mal conduits, et que, quoique son imprudence fût son seul crime, ceux qui n’avoient pas connoissance de ses intentions avoient lieu de redouter son pouvoir.

Il n’y a point de prince qui prenne plaisir de voir dans son État une grande puissance qu’il pense n’avoir pas élevée et qu’il croit être indépendante de la sienne ; beaucoup moins s’il est jeune, c’est-à-dire en âge où la foiblesse et le peu d’expérience que l’on a des affaires rendent les moindres établissemens suspects.

À la vérité, il eût été à désirer que ce personnage eût modéré davantage ses désirs, non tant par son intérêt que pour le bien de sa maîtresse ; car ou peut dire que s’il eût été moins ambitieux elle eût été plus heureuse.

Mais Dieu a voulu que celle qui n’avoit aucune part dans sa faute l’eût très-grande dans sa disgrâce, pour nous apprendre que la vertu a ses peines, comme le soleil ses éclipses. Si elle eût été moins affligée elle n’eût pas été si glorieuse ; car, comme il y a des vertus qui ne se remarquent que dans les grands emplois, aussi y en a-t-il qui ne s’exercent que dans la misère.