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LIVRE IX.


[1618] Nous avons vu, l’année passée, l’indignation qu’une grandeur que l’on tient d’autrui, et qu’on n’exerce pas avec toute la retenue qu’on pouroit désirer, mais en laquelle on s’abandonne à une licence absolue, a accoutumé d’engendrer dans le cœur des peuples : nous verrons au contraire, dans l’année présente, combien la même grandeur, humiliée et maltraitée par des personnes abjectes, change les cœurs des hommes en une commisération plus grande que n’étoit leur indignation.

Quand la Reine partit de Paris, personne ne compatissoit à son malheur que ceux qui y étoient intéressés : mais le mauvais traitement qu’elle reçoit à Blois croît tous les jours de telle sorte, qu’enfin il vint jusqu’à tel point de rigueur et d’indignité, que la faveur de tout le monde se tourne vers elle, Sa Majesté s’accroît par sa calamité, et les grands qui lui avoient été les plus contraires, et ceux-là mêmes qui touchoient de plus près le sieur de Luynes, soit d’intérêt, soit d’alliance, ont pitié d’elle, et font dessein de la faire retourner auprès du Roi pour y tenir le même rang qu’elle y avoit auparavant.

J’ai dit au livre précédent qu’elle avoit eu quelque dessein de venir trouver le Roi à cause des mécontentemens qu’elle recevoit de se voir assiégée de personnes qu’on envoyoit demeurer auprès d’elle contre sa volonté, épiée en toutes ses actions, et la plupart de ses serviteurs gagnés par argent contre son propre