Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/582

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particularités de ce qui s’étoit passé, ni quelles intelligences Sa Majesté avoit au dedans et au dehors du royaume, mais que je leur ferois voir ingénument ma franchise en leur disant que je pensois avoir assez de connoissance pour leur dire que, pour bien faire aller les affaires de Sa Majesté, je voudrois faire tout le contraire de ce qu’ils avoient fait jusqu’alors ; que j’avois vu diverses lettres que la Reine avoit écrites à la cour, fort piquantes et fort aigres, que je voyois autour d’elle fort peu de gens de guerre pour la défendre, et apprenois qu’on n’avoit pas fait grands préparatifs pour en avoir davantage ; qu’à mon avis il falloit écrire civilement sans bassesse pour adoucir les esprits de la cour, et s’armer puissamment pour se mettre en état de se garantir de quelque mauvaise humeur qu’ils pussent prendre.

Cet avis, qu’ils ne pouvoient condamner avec raison, leur ôta tout moyen de me contredire, mais non pas la volonté de me mal faire. Deux jours après, le duc d’Epernon vint trouver la Reine pour lui dire que Russelay, ayant su que Sa Majesté m’avoit donné ses sceaux (ce qui n’étoit pas vrai, bien qu’elle me les eût destinés dès Blois), étoit résolu de la quitter si elle continuoit en cette volonté. La Reine lui répondit que cette pensée qu’elle avoit eue n’étoit point nouvelle, puisqu’elle avoit pris cette résolution dès Blois, à laquelle Russelay n’avoit aucun intérêt, parce qu’aussi bien ne vouloit-elle pas les lui donner. Sachant ce qui s’étoit passé en ce sujet, je suppliai la Reine de ne découvrir pas encore tant la bonne volonté qu’il lui plaisoit avoir pour moi, et dire à ces messieurs qu’ayant su ce qui s’étoit passé sur le sujet