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[1649] MÉMOIRES

M. de Beaufort vint donc s’offrir au parlement[1], tant comme ennemi du cardinal que pour se justifier de cette calomnie, et se mettre par là en lieu de sûreté.

Ce prince parut d’abord extraordinaire en toutes choses ; il formoit un certain jargon de mots si populaires et si mal placés, que cela le rendoit ridicule à tout le monde, quoique ces mots, qu’il plaçoit si mal, n’eussent peut-être pas laissé de paroître fort bons s’il avoit su les placer mieux, n’étant mauvais seulement que dans les endroits où il les mettoit. Cependant cela ne le put empêcher de se rendre et de se trouver à la fin le maître de Paris : ce qui donna lieu de dire, pour l’excuser de ce qu’il parloit avec tant de dérangement et si grossièrement, qu’il falloit bien qu’un roi parlât la langue de ses sujets ; car son grand pouvoir parmi le peuple lui avoit acquis le titre de roi des halles.

Madame de Longueville et lui avoient été dans la cábale opposée à celle de la régence ; et, quoiqu’ils ne témoignassent point se haïr, il étoit pourtant toujours resté un peu d’aversion entre eux : ce qui fut cause qu’il prit des mesures avec le coadjuteur, plutôt qu’avec M. le prince de Conti et elle.

Le coadjuteur sut si bien le faire valoir, en insinuant qu’il étoit irréconciliable avec le cardinal Mazarin, et incapable par conséquent de les tromper, que le peuple de Paris joignit l’adoration pour ainsi

  1. Vint donc s’offrir au parlement : Le duc de Beaufort fit cette démarche le 14 janvier 1649. Dans la nuit du 6 au 7 de ce mois, la cour s’étoit échappée de Paris, avoit fixé son séjour à Saint-Germain, et s’étoit arrêtée au projet de bloquer la capitale.