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uns et aux autres. En quittant la Reine, il lui avoit dit en l’embrassant qu’il alloit être le maître, et qu’il espéroit dans une heure la venir trouver avec plus de puissance qu’il n’en avoit à leur séparation. Elle étoit demeurée avec l’émotion et l’impatience qu’elle devoit avoir. Elle avoit souvent regardé à sa montre pour voir si l’heure étoit passée, et écouta si les survenans ne lui apportaient point quelque nouvelle. Quand elle crut enfin que l’affaire étoit faite ou faillie, elle dit à madame de Carliste, une de ses favorites qu’elle vit entrer dans son cabinet : « Réjouissez-vous, car à l’heure qu’il est, le Roi est, à ce que j’espère, le maître dans son État ; et tels et tels sont sans doute arrêtés. » Cette dame fut surprise du discours de la Reine. Elle avoit quelque parent ou quelque intime ami dans le nombre de ceux qu’on vouloit opprimer. Sans montrer aucune inquiétude de cette nouvelle, elle sortit, et alla vitement écrire un billet à un de ceux qu’on vouloit prendre, pour l’avertir du dessein du Roi. Ce prince ne faisoit que d’entrer au parlement. Aussitôt ils éclatèrent contre lui par mille plaintes, et dirent hautement que cet avis regardoit toute la compagnie. De cette sorte le parlement se sépara en l’état qu’on peut juger. Tous parurent fort mal contens. Ils voyoient qu’ils avoient offensé leur Roi, et qu’il vouloit les châtier, et jugèrent par conséquent qu’il n’y avoit point de remède pour eux que celui de pousser leur révolte à l’extrémité. La Reine, qui en cet endroit avoit fait une faute notable, en me contant sa légèreté se condamna elle-même ; mais ce qui est admirable, quoiqu’elle l’eût avouée au Roi, je n’ai point remarqué qu’il l’en eût moins