Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/116

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servit beaucoup pour lever des troupes dans les provinces voisines de l’Écosse, où il étoit demeuré depuis qu’il eut manqué le dessein d’Hull, et que le duc d’Yorck en fut sorti. Avec un si grand secours, la Reine voulut aller partager tout de nouveau les peines du Roi son mari. Elle se mit en mer avec onze vaisseaux remplis d’armes et de munitions, et laissa la princesse sa fille auprès de la princesse d’Orange sa belle-mère. La fortune, qui ne lui étoit pas favorable, ou pour mieux dire la volonté de Dieu qui règne sur les hommes, permit que son dessein fût traversé par une tempête de neuf jours, la plus forte et la plus grande qu’on ait jamais vue. Cette princesse souffrit pendant ces jours-là les frayeurs d’une mort continuelle et presque assurée, liée dans un petit lit, et ses femmes auprès d’elle liées de même. Quelques-uns de ses officiers, quelques prêtres et quelques capucins y étoient aussi. Elle et les catholiques se confessèrent, et l’horreur de la mort leur faisoit oublier la honte des offenses qu’ils avoient commises contre Dieu : ils s’accusoient tout haut, recevant les bénédictions à tous les effroyables momens qu’ils croyoient être les derniers de leur vie. Elle s’accoutuma à la mort ; et les premiers jours passés, quoiqu’elle et les siens fussent quasi sans espérance de se pouvoir sauver, ils ne laissoient pas de rire quand quelque occasion s’en présentoit ; et ils reprirent le manger et le boire, qui se mêloit aux cris, aux frayeurs et à toutes les autres misères naturelles. La tempête ayant enfin ramené la Reine à un petit port qui est près de La Haye, elle y descendit dans un état si étrange qu’il étoit impossible de l’approcher, par la puanteur de ses habits. Ils étoient pleins