Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses couches, étant continuellement menacée de ses ennemis, elle se résolut de venir en France demander du secours à notre Reine régente, qui déjà, comme je l’ai dit, lui avoit envoyé, avec madame Peronne sa sage-femme, vingt mille pistoles pour la secourir dans l’état pitoyable où elle étoit. Cette généreuse princesse, se contentant du peu d’argent qu’elle avoit apporté, envoya le présent de la Reine au Roi son mari, qui en avoit besoin pour entretenir et payer ses troupes. Quand elle partit, comme je l’ai remarqué, elle avoit été depuis peu de jours fort malade et en très-mauvais état. Passant d’Angleterre en France, elle fut poursuivie des parlementaires ; et, dans la créance qu’elle alloit être prise par eux, étant à fond de cale pour se garantir des coups de canon, elle fit venir le pilote, et lui commanda de ne point tirer, mais d’avancer toujours chemin, et de mettre le feu aux poudres, s’il voyoit qu’elle ne pût échapper. Elle ne l’auroit peut-être pas souffert ; mais, sur cette résolution, ses femmes et ses domestiques jetèrent des cris horribles : elle seule demeura dans un silence courageux, montrant braver la mort et ses ennemis, par le mépris qu’elle faisoit de l’une et des autres. Elle ne sentit en cette rencontre rien de violent dans son ame que le désir de fuir la honte de se voir soumise à la volonté des parlementaires ; et la seule pensée de voir qu’en ordonnant sa mort elle ne faisoit pas ce qu’une chrétienne devoit faire, la fit repentir de sa résolution. N’ayant pas le courage de vaincre elle-même son orgueil, elle demeura indécise sur la gloire éternelle et la mondaine ; mais Dieu la sauva, la faisant heureusement échapper de ce péril, et