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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/16

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de la Reine : il devint en peu de temps le maître de ce conseil ; et l’évêque de Beauvais diminuant de puissance à mesure que celle de son compétiteur augmenta, ce nouveau ministre commença dès lors à venir les soirs chez la Reine, et d’avoir avec elle de grandes conférences. Sa manière douce et humble, sous laquelle il cachoit son ambition et ses desseins, faisoit que la cabale contraire n’en avoit quasi pas de peur, et qu’ils le regardèrent d’abord avec la présomption que la faveur inspire. Mais cette volage à qui les païens, sous le nom de la Fortune, ont donné de l’encens, voulant à son ordinaire se moquer de ceux qui la suivent, les abandonna pour se donner tout entière à un étranger, et l’élever tout d’un coup du premier échelon au plus haut où un particulier puisse monter, le mettant au-dessus des princes et des grands du royaume.

Pendant que ces intrigues se démêloient dans le cabinet, Dieu se mêloit de nos affaires dans la campagne. M. le prince avoit un fils, duc d’Enghien. Il avoit épousé malgré lui une nièce du cardinal de Richelieu, et commandoit l’armée du Roi quand il mourut. Dans ce commencement de régence, il gagna une bataille devant Rocroy, qui fut l’affermissement du bonheur de la Reine, et la première des belles actions de ce jeune prince âgé de vingt-deux ans, si brave et d’un si grand génie pour la guerre, qu’à peine les plus grands capitaines de l’antiquité lui peuvent être comparés. Le feu Roi, peu de jours avant de mourir, songea qu’il le voyoit donner un combat et défaire les ennemis en ce même lieu. C’est une chose digne d’admiration, et qui doit donner quelque respect pour la