Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/19

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quoique anciens courtisans et fort habiles, qui, à sa considération, le portoient à la première place, furent pris pour dupes. Les princes de Vendôme et l’évêque de Beauvais commencèrent enfin à s’inquiéter. Ils voulurent, comme les maîtres, s’opposer au nouveau venu, et le chasser comme un importun, ne trouvant pas à propos que personne vînt partager avec eux le crédit qu’ils avoient auprès de la Reine. Mais ils ne purent y réussir, et ce qu’ils firent ne servit qu’à les perdre. J’ai ouï dire au maréchal d’Estrées[1], oncle du duc de Vendôme et frère de la duchesse de Beaufort que le roi Henri iv avoit pensé épouser, que le cardinal Mazarin, dans les premiers jours de la régence, ne sachant de quel côté se tourner, voulut d’abord s’approcher de cette cabale, comme celle qu’il voyoit la mieux établie dans l’esprit de la Reine : qu’il le pria d’en être le négociateur ; et que comme il s’intéressait au bonheur de ces princes, comme leur proche parent, il fit tout son possible pour les attirer au parti du cardinal Mazarin, qu’il avoit connu à Rome où il avoit été ambassadeur. Ce seigneur étoit grand politique et grand courtisan. Il l’aimoit alors doublement, car il croyoit que son habileté et l’adresse de son esprit le porteroient infailliblement à la faveur. Il ne tint donc qu’à eux qu’il ne se joignît à leur fortune —, mais ces princes refusèrent son amitié, par la haine qu’ils avoient pour tout ce qui avoit quelque rapport au cardinal de Richelieu. Mais ils ne pouvoient pas s’empêcher de voir que c’étoit un homme à crain-

  1. Au maréchal d’Estrées : François-Annibal, duc d’Estrées, pair et maréchal de France, déjà fort âgé, mourut en 1670 à quatre-vingt-dix-huit ans. Ses Mémoires font partie du tome xvi de cette série.