Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leva et lui dit de la suivre. Il parut qu’elle vouloit aller tenir conseil dans sa chambre. Elle y passa, suivie seulement de son ministre. En même temps le duc de Beaufort, voulant sortir par le petit cabinet, trouva Guitaut, capitaine des gardes de la Reine, qui l’arrêta, et lui fit commandement de le suivre de la part du Roi et de la Reine. Ce prince, sans s’étonner, après l’avoir regardé fixement, lui dit : « Oui, je le veux ; mais cela, je l’avoue, est assez étrange. » Puis se tournant du côté de mesdames de Chevreuse et de Hautefort qui étoient dans le petit cabinet, et qui causoient ensemble, il leur dit : « Mesdames, vous voyez, la Reine me fait arrêter. » Sans doute qu’elles furent surprises de cette aventure, et qu’elles en eurent de la douleur, car elles étoient de ses amies : et pour lui, je crois que le dépit et la colère occupèrent entièrement son ame. Il ne s’imaginoit pas qu’après avoir été serviteur de la Reine pendant ses malheurs, elle pût jamais se résoudre à le traiter de la sorte. Ce n’étoit pas un homme détrompé des vanités du monde, ni qui sût en faire les solides jugemens qu’un esprit du commun eût pu faire : il étoit homme d’esprit en beaucoup de choses, mais fort attaché à la fausse gloire qui suit la faveur, et par conséquent il fut mal content de se voir trompé et déchu de ses belles espérances ; mais comme il avoit du cœur, il fit bonne mine dans son malheur.

Quand le duc de Beaufort fut entré dans la chambre de Guitant, où d’abord on le mena, il demanda à souper. Il mangea de grand appétit, et dormit de même. Aussitôt qu’il fut arrêté, le bruit de sa détention fit venir madame sa mère et madame de Nemours